Volume 19: Issue | Numéro 3 (2025)

L’accessibilité de la nature en milieu urbain : Le droit à l’égalité des personnes handicapées dans l’accès aux espaces verts à Montréal

Rose R. Paquet, Sébastien Jodoin, Mélisande Charbonneau-Gravel et Juliette Bourdeau de Fontenay

Les espaces verts jouent un rôle important dans la transition écologique des villes. Par contre, on sait peu de choses sur leurs interactions avec les efforts visant à créer des environnements urbains inclusifs et accessibles pour les personnes en situation de handicap. Notre article contribue à la littérature émergente sur la gouvernance environnementale inclusive du handicap en analysant le droit à l’égalité des personnes handicapées dans l’accès aux espaces verts à Montréal. Montréal offre un contexte propice à la compréhension des tensions et des synergies qui peuvent émerger à l’intersection des mesures écologiques et l’égalité des personnes handicapées. D’une part, le verdissement constitue un des champs d’action prioritaire des politiques environnementales et climatiques de la ville de Montréal. D’autre part, longtemps critiquée pour ses efforts insuffisants pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans ses politiques d’urbanisme, la ville de Montréal a lancé en 2020 un chantier pour améliorer ses pratiques en accessibilité universelle, lutter contre les discriminations subies par les personnes handicapées et les inclure dans une démarche de gouvernance participative. Nous présentons une analyse mixte de l’accessibilité limitée des espaces verts pour les personnes handicapées à Montréal et des efforts actuels pour l’accroître tels qu’énoncés dans les politiques de la ville et de ses arrondissements. Sur la base d’entrevues réalisées avec des personnes handicapées et faisant référence à la recherche portant sur la santé et les espaces verts, nous traitons aussi des conséquences de la discrimination vécue par les personnes handicapées dans ce contexte. Nous démontrons que le manque d’accessibilité des espaces verts à Montréal constitue une forme de discrimination prima facie prohibée par les articles 12 et 15 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.


Les droits de la Nature en question : pour un dialogue entre les traditions juridiques

Yaëll Emerich

Cet article a pour objectif d’interroger le mouvement de reconnaissance des droits de la Nature et de le situer dans le cadre d’un dialogue entre les traditions juridiques civilistes, de common law et autochtones, notamment la tradition Anishinaabe. Au-delà de la puissance symbolique de la proposition de reconnaître des droits subjectifs à la Nature, il convient de se questionner sur les conséquences théoriques et pratiques d’une telle reconnaissance, incluant le processus de reconnaissance, les types de droits ou intérêts protégés, les personnes par le biais desquels ils sont exercés, ou encore les sanctions possibles en cas d’atteinte. Il est soutenu dans cet article que si le fait de reconnaître des droits (subjectifs) à la Nature représente une avancée de taille pour la protection de la Nature et de ses intérêts, il importe toutefois de s’assurer que cette progression ne se fasse pas à l’encontre de l’objectif initial de la proposition, en évitant de soumettre la Nature à un cadre anthropocentrique qui ne permettrait pas de rompre avec l’individualisme possessif. Dès lors, la conceptualisation alternative de la Nature comme un sujet de droit qui ne soit pas nécessairement personnifié, mais titulaire d’intérêts juridiquement protégés, mérite d’être envisagée. De façon pratique, il est suggéré qu’un gardien, f iduciaire ou administrateur du bien d’autrui, peut être chargé de la mise en œuvre et de la protection de ces intérêts de la Nature, détachés de l’intérêt personnel humain, dans un cadre alternatif à celui de la propriété individuelle. Sur ce point, le droit civil québécois offre un cadre juridique novateur avec la f iducie comme patrimoine d’affectation détaché du droit réel propriétaire et géré par un administrateur du bien d’autrui. Le prisme de la Nature dans la ville permet d’éprouver cette possibilité d’une protection des intérêts de la Nature au-delà du cadre du droit subjectif moderne, en passant notamment par l’idée d’une responsabilité fiduciaire étatique ou des communs.

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Volume 21: Issue | Numéro 2 (2025)